Episode 14 : Mon stage dans un grand restaurant : premières impressions

Publié le par Sen

Puisque j’avais décidé de faire cette EMT (Evaluation en Milieu de Travail) proposée par l’ANPE, il me fallait maintenant trouver un restaurant pour me prendre en stage. Etant donné que l’on m’avait conseillé de rechercher un stage au sein d’une brigade (c’est le nom donné à l’équipe hiérarchisée de cuisiniers dans un restaurant) afin d’avoir un aperçu représentatif de l’organisation et du travail en cuisine, je me suis mise en quête des enseignes les plus importantes de ma ville, gage de l’existence d’une solide cuisine en coulisses. Les premiers de la liste furent des restaurants étoilés de renom. Soit, ce n’est pas plus mal, bien au contraire. J’ai donc préparé des candidatures que j’ai adressées aux chefs de ces établissements. L’un d’eux m’a contacté une heure après l’envoi de ma candidature par mail ! Après s’être rencontrés le lendemain dans son restaurant, je repartais avec ma convention ANPE signée et un large sourire : j’allais faire mes premiers pas en cuisine dans l’équipe d’un des jeunes chefs les plus prometteurs de France ! Même la conseillère de l’ANPE semblait bluffée. Ne me demandez pas comment j’ai décroché ce stage, je n’en sais rien. J’ai tenté et ça a marché. Comme quoi… Dans la culture j’ai beaucoup tenté, pourtant ça n’a jamais marché !

Etant donné que je travaillais déjà à plein temps, le chef m’a laissée libre de programmer mon emploi du temps à ma guise. J’ai donc commencé le 30 mai et planifié 68h jusqu’au 27 juin 2006. C’est un mois difficile qui s’annonçait là : ma semaine normale à 35h plus environ 15 à 22 heures certains soirs de semaine et le week-end. Mais il faut ce qu’il faut. C’est le prix à payer pour asseoir mon projet et me permettre de changer de voie, et de vie.

Pour moi qui découvre ce nouveau milieu professionnel, les aspects du métier ou de la vie en cuisine que j’ai retenus et dont je fais la description dans cet article sont ceux qui m’ont le plus marquée. En cela ils sont révélateurs des premières impressions de cette aventure en cuisine.

Mardi 30 mai, je suis donc sortie de mon taf, suis repassée à toute vitesse chez moi histoire de me changer et d’avaler quelque chose puis j’ai foncé pour être à 19h au resto, qui heureusement se situe à 10 minutes à pieds de chez moi. Ce jour là, pas de chance, un gros service est prévu et la cuisine est en sous-effectif. Après de sommaires mais cordiales présentations du chef à mes futurs collègues, je suis entraînée vers les vestiaires où l’on me trouve une veste et un tablier. Je suis confiée au chef du garde-manger, responsable des entrées froides. C’est un jeune homme très agréable de 23 ans. Ca fait bizarre, les 4 responsables de postes de la cuisine ont tous à peine plus de 20 ans et ils bossent depuis plus longtemps que moi ! Je suis très rapidement mise à contribution, car, je le comprends très vite, deux bras supplémentaires ne sont vraiment pas de trop ce soir. Alors je commence par éplucher, écosser, amener des ingrédients, en ranger d’autres puis je dresse quelques plats simples que j’emmène au passe en prenant soin de bien crier « chaud !! » à chaque fois, au cas où un autre cuisinier se retournerait à ce moment là avec un plat, ou pire, un couteau ! Dans une cuisine on parle beaucoup. Mais pas à tort et à travers ou pour se raconter sa vie - même s’il existe des moments de répit permettant de lier connaissance. On parle plutôt comme au sport, comme quand au volley-ball on crie « j’ai ! » pour signifier qu’on prend la balle. Ici , le personnel de salle vient crier les commandes et déposer les bons, relayés par le Chef et les parties concernées font comprendre qu’elles ont entendu et qu’elles se mettent à la préparation des plats en répondant la plupart du temps par un « Oui Chef ! ». L’ambiance de cette cuisine est plutôt agréable. L’univers est TRES masculin, pour ne pas dire exclusivement car les seules filles de l’établissement sont en salle. Mais tout le monde est très agréable, ouvert et avenant. Tous sont venus me parler dès le premier jour, pour lier connaissance. Une première impression humaine donc plutôt positive, reflétant un véritable travail en équipe. Le chef a bien poussé deux ou trois coups de gueule mais l’instant d’après il venait plaisanter avec ses cuisiniers, détendu et nonchalant.

Allez, faisons maintenant le tour des premiers points noirs décelés.

J’ai décidément le chic pour être attirée par les métiers les plus difficiles ! Par exemple, quand j’étais petite je voulais faire archéologue, on m’a dit « hou la la, c’est dur (physiquement), c’est ingrat (tu peux fouiller pendant des heures pour ne rien trouver), il y a beaucoup de chômage (l’archéologue court le chantier comme l’intermittent court les cachets) et il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ».

Quand on travaille dans la restauration gastronomique, certaines choses sont semble-t-il assez proches, sauf concernant le chômage. Mes collègues ont été catégoriques : si tu veux vivre sereinement et avoir un bon revenu, il ne faut pas faire dans le gastronomique ! C’est le secteur de la restauration où l’on fait le plus d’heures, et le salaire n’est pas plus élevé pour autant. D’après ce qu’on m’a dit, un mec dans une pizzeria qui travaille tous les jours mais fait seulement les services du midi gagne quasi deux fois plus qu’un cuisinier de ce restaurant gastronomique. En fait, l’explication tient de la logique : dans la pizzeria, le prix de revient de la pizza n’est pas très élevé, donc la marge est importante et on peut se permettre de bien rémunérer les cuisiniers. Dans le restaurant gastronomique où je travaille, ils ne travaillent qu’avec des matières premières de grande qualité, donc chères, ils font tout eux-mêmes, donc ça prend beaucoup de temps et ils essayent d’avoir une politique tarifaire accessible, ce qui n’est généralement pas le cas de la gastronomie, donc oblige à une marge plus serrée.

Autre problème du aux conditions horaires : les cuisiniers m’ont affirmé qu’ils ne dormaient pas plus de 3 à 5h par nuit ! Wouah… Ca c’est un véritable souci, pour le coup. Merde, je peux faire ça un jour, ça ira, le deuxième je ne me sentirai pas bien du tout et le troisième je serai probablement malade ! Il n’y a qu’à voir dans quel état je suis sortie du resto samedi à 15h en ayant fait la veille le service depuis 17h jusqu’à minuit passé… Le pire, c’est que lorsque je rentrais chez moi à 15h, les cuisiniers, eux, s’accordaient une très courte pause avant d’enchaîner sur le service du soir ! J’avais un tel coup de barre que je m’en serais crue bien incapable !

Enfin, on dit que les cordonniers sont les plus mal chaussés, c’est valable aussi pour les cuisiniers ! Non, ils ne sont pas mal chaussés, ils mangent mal ! Que l’on travaille en cuisine ou en salle, le personnel mange un peu avant les services, vers 11h pour le midi et vers 18h pour le soir (et encore, ça c’est pour ceux qui ont le temps de manger). Le soir c’était croque-monsieur / salade composée au thon et yaourt au fruits. Bon, c’est sur ça a moins de goût que la cuisine qu’on sert aux clients mais ça va encore. Le lendemain midi par contre, on a eu droit à un steak surgelé digne du plus bas supermarché discount (et je m’y connais !) accompagné d’une grosse boite de petits pois-carottes baignant dans leur jus… De vieux souvenirs de cantine de collège me sont soudain revenus… Heureusement qu’on a tout le loisir durant le service de goûter à un peu de tout ! C’est même souvent une obligation !

J’ai d’ailleurs eu l’occasion de goûter pas mal de choses quelquefois assez originales: glace au pastis, au vinaigre balsamique (ça a un goût de noix !), framboise/poivron rouge, de la fleur de courgette, du potage froid petit pois / menthe / cumin, du potage froid fenouil / crème / pastis, du caviar d’aubergine… La cuisine gastronomique est particulièrement créative et esthétique, c’est un véritable plaisir pour tous les sens. Dans ce restaurant où le chef est constamment à la recherche de nouvelles idées et n’hésite pas à bousculer les traditions, l’insolite et l’audace font partie intégrante de la carte et c’est très agréable ! Aucun risque de routine ou d’ennui de ce côté-là.

Voilà donc pour ces premières et déjà longues impressions ! Et encore, c’est que le début ! D’accord, d’accord…

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S
héhé... salut Céline!Contente que tu aies trouvé mon blog, contente aussi que tu aies laissé ce petit mot! Effectivement je me disais que je n'avais pas beaucoup de nouvelles londoniennes, alors répare vite tes histoires de mails qui se perdent et à ton clavier!
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C
bon ben que dire... pas eu le temps de tout lire car je suis chez Anne-Sarah à Laval pour la soirée et je découvre. J'en lirai plus depuis Londres. J'avais bien reçu ton mail mais qqs problèmes pour en envoyer (3 très très très longs passés à la trappe) donc frustrations, colère, cris et abandon. A bientôt, désormais ce sera plus simpe j'aurai de tes nouvelles et toi pas. Nan et oh je déconne cocotte.<br /> bises
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A
mon dieu c'est pire qu'un soap ton blog, plus on en lit, plus on attend la suite....
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