Episode 16 : Tricatel ou Duchemin?

Publié le par Sen

Ou quelle voie suivre à l’intérieur du secteur de la restauration…

Plus le temps passe et plus je suis sûre de mon choix. C’est déjà ça. Chaque jour qui passe me le démontre encore un peu plus, j’ai tout intérêt à quitter le navire culture qui, de mon point de vue, sombre lentement mais sûrement. Certains seront peut-être sauvés, beaucoup n’auront à mon avis pas cette chance. Je n’ai pas envie d’attendre de voir de quel groupe je ferai partie.

Maintenant il reste à préciser mon choix. J’ai une échéance : le 7 juillet 2006, date à laquelle j’irai passer les tests et entretiens de sélection du GRETA au lycée hôtelier. SI je réussis, tout pourra s’enclencher vraiment : ma démission, mon changement de statut et mon entrée en formation à la rentrée. J’entamerai une formation qualifiante reconnue et qui aboutira sur un métier concret, durable et très demandé.
Mais passer mon CAP Cuisine, c’est bien, mais ce n’est pas une fin en soi. Avoir une idée de ce vers quoi j’aimerais aller, c’est mieux. Le monde de la restauration est…vaste ! Et quelque part c’est très bien comme ça, puisque ce secteur offre des possibilités de carrières très diverses. Il y en a donc pour tous les goûts ! (Comme c’est à-propos !). Je pourrais me dire que je ferai mon choix plus tard, avec le temps, au fur et à mesure de ma formation, de mes stages... Mais c’est un peu ce que j’ai fait avec la culture, on a vu le résultat. Si j’avais pris le temps et le soin de me pencher sur les différentes voies de la culture à l’époque, j’aurais peut-être manœuvré différemment. Je n’ai plus du tout envie aujourd’hui de me laisser porter par les flots ; on vit certainement plus sereinement sans se prendre la tête mais c’est pour mieux se prendre le retour de bâton plus tard. Je veillerai donc à avoir toujours en tête un projet de parcours et à choisir judicieusement mes établissements de stage, en fonction de ce vers quoi je souhaite m’orienter.

Presque d’instinct je dirais, je suis allée frapper à la porte d’un restaurant gastronomique pour faire mes premières armes dans une cuisine. Ce n’est certainement pas anodin. Quand j’ai commencé à m’intéresser au métier de cuisinier, j’ai été tout d’abord attirée par la restauration traditionnelle, voire même plutôt gastronomique. En effet, quitte à faire de la cuisine, je me voyais plus préparer de jolis plats goûteux, originaux et élaborés qu’en train de préparer des assiettes de steak/frites à la chaîne. Mes premières impressions en stage m’ont déjà dévoilé beaucoup sur le métier de cuisinier en général et sur la gastronomie en particulier. Le choix du type de restauration dans lequel je travaillerai impliquera intrinsèquement aussi un choix de style de vie : tous les métiers de la restauration ne sont pas égaux face aux difficultés de la profession. Et il s’avère que la cuisine la plus intéressante est aussi la plus difficile à exercer. Le barrage est cette fois physique, je ne dois pas me mentir, je sais que je suis incapable de tenir le rythme quotidien de mes collègues du moment (qui doivent tourner à 60h en moyenne). Dormir si peu tout en s’agitant autant m’est tout à fait insoutenable. J’ai plus le tempérament sprinter que coureur de fond, si je suis capable de belles accélérations et coups de speed, je suis incapable de tenir un tel rythme sur la durée. Ce constat m’ennuie beaucoup… et me pousse donc à explorer ailleurs ce qui pourrait me convenir le mieux. Il n’y a probablement pas de meilleur test que le terrain, mais je ne peux pas non plus aller faire une EMT dans tous les types de restaurants qui existent ! Alors, comment savoir ?

Dans la culture, j’ai eu maintes fois l’occasion de le dire, on a plus vraiment le choix des carrières. On est souvent au chômage et lorsqu’on retravaille c’est parce qu’on a sauté sur le premier boulot ayant trait à la culture qu’on a vu (à vrai dire, on saute sur tous et on attend qu’on veuille bien nous embaucher pour un). Il est bien trop dangereux de faire le difficile et de croire qu’on va pouvoir attendre de trouver LE poste rêvé. Dans la restauration, le manque de main d’œuvre offre la possibilité de choix, presque un luxe !
Un premier choix, horizontal d’abord, se pose : il concerne les différentes opportunités de postes qu’offre la restauration à un débutant, CAP Cuisine en poche. Pour avoir fait ma petite étude sur les offres d’emploi parues à l’ANPE depuis quelques mois, tous les types d’établissements sont concernés, les contrats représentent environ moitié/moitié CDI et CDD, souvent saisonniers, et la plupart du temps au SMIC hôtelier (1358 € brut) pour les débutants et au-delà avec de l’expérience. Certains contrats saisonniers, même ouverts au débutants, sont intéressants financièrement. Puis un second choix, vertical, intervient. Il concerne les évolutions possibles des carrières, au fil du temps. Ce dernier choix n’interviendra réellement que bien plus tard, lorsque j’aurai accumulé une expérience suffisamment significative en tant que cuisinière. Mais il est important de l’avoir à l’esprit tout de même. En faisant ce choix de la restauration, je ne m’engage pas forcément à n’être que derrière les fourneaux toute ma vie, on peut par la suite former, gérer ou diriger. Par contre le premier choix est primordial, car il influera sans nul doute sur mon parcours futur.

Ce que je souhaite trouver, c’est un type de cuisine qui me plaise et m’intéresse suffisamment pour justifier que je la prépare tous les jours dans des conditions horaires et financières qui me paraissent équitables. J’aimerais croire que l’on ne doit pas trancher obligatoirement entre l’un ou l’autre. Encore une histoire de compromis finalement… Si l’on veut faire dans la gastronomie, on fait le sacrifice de son temps et de ses forces au nom d’une cuisine et d’un CV prestigieux. Si l’on fait dans la restauration collective, on fait le sacrifice de l’intérêt de la cuisine préparée et donc peut-être de sa motivation, au nom des horaires plus confortables et de la qualité de vie préservée. On peut également choisir entre petits restaurants indépendants et grands groupes établis, cuisine inventive et sans cesse renouvelée et carte des pizzas inchangée depuis 10 ans… Que de choix, que de choix.
J’adore les pizzas, mais comment savoir si je ne me lasserai pas d’en fabriquer par dizaines tous les jours ? J’adore la cuisine italienne en général, que ce soit pâtes ou pizzas ou plats plus élaborés. Mais comment sont préparés les plats dans les grandes enseignes spécialisées ? En grande défenseuse de la « bonne bouffe » et de la qualité des produits, est-ce que je ne risque pas d’être choquée par le recours à des ingrédients de type industriels et à de l’assemblage pur et simple ? Cette vision de la cuisine est tellement rentrée dans les mœurs que lors de la révision du CAP Cuisine on a supprimé de l’enseignement des types de préparations « traditionnelles » jugées peu utiles et plus au goût du jour au bénéfice de l’art d’intégrer et de composer avec les ingrédients issus de l’industrie agroalimentaire, ce qui n’a pas manqué de faire l’objet d’une polémique, relayée par les chefs.

Alors, ma voie dans la restauration, Tricatel ou Duchemin ?… Ou un compromis des deux, forcé ou consenti ?


PS : Pour ceux pour qui l’humour de Louis De Funès ne ferait pas partie de leur vidéothèque, je précise que le titre de mon article fait référence au délicieux « L’Aile ou la cuisse » de Claude Zidi (1975), film où notre champion national de la grimace incarne Charles Duchemin, directeur du guide gastronomique du même nom s’opposant à un Julien Guiomar/Tricatel, pdg bien entendu malhonnête et sans scrupule d’une entreprise d’alimentation industrielle improbable, véritable précurseur de notre malbouffe actuelle.

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P
Pour agrémenter votre réflexion...<br /> La cuisine de Tricatel classée au patrimoine mondial par l’UNESCO ?<br /> un savoir faire sacrifié<br /> <br /> Quand<br /> il s’agit de faire diversion, Sarkozy n’est jamais en panne d’idées.<br /> Lors du dernier salon de l’agriculture, il a ainsi annoncé sa volonté<br /> de faire inscrire la gastronomie française comme<br /> "patrimoine mondial de l’humanité" par l'UNESCO.<br /> Enfin une mesure qui ne coûte rien à personne et qui fait plaisir à tout le monde !<br /> Le<br /> hic, c’est que depuis le ministre De Robien, le contenu des formations<br /> du CAP cuisine a été considérablement tiré vers le bas, suivant les<br /> injonctions des grands « marchands de soupe » -c’est le cas de le dire-<br /> tels que Sodexho et autres dignes successeurs de Jacques Borel.<br /> La<br /> maîtrise de techniques de cuisine élémentaires telles que le détaillage<br /> des poissons, l’ouverture des huîtres, le débarbage des moules, le<br /> désossage, le pochage des quenelles, etc. ne sont plus requises à<br /> l’examen. Par contre, sont évaluées les techniques de réchauffage des<br /> produits surgelés, l’utilisation de produits semi-élaborés, la remise<br /> en température de légumes, viandes et poissons surgelés… On en passe et<br /> des pires !<br /> La<br /> gastronomie est un patrimoine vivant. Une formation exigeante pour les<br /> professionnels de la restauration est indispensable pour assurer la<br /> préservation et le développement de cette richesse culturelle majeure<br /> pour notre pays. Avec ou sans « label UNESCO », les millions de<br /> touristes (et les autochtones! ) n’affluent pas chaque année dans les<br /> restaurants français pour se voir servir des cordons bleus Findus<br /> agrémentés de fond de sauce Vivagel !<br /> Pour<br /> revaloriser les métiers manuels, mieux vaut compter sur les enseignants<br /> et les élèves des lycées professionnels en lutte contre le<br /> démantèlement du Bac Pro que sur la politique de Sarkozy qui s'applique<br /> à casser les diplômes et les savoir faire.
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C
Sen !Je suis tombée sur ton blog par le forum du Meilleur du chef.Je suis presque dans la même situation que toi, mais pour faire un CAP de pâtisserie, au lycée hôtelier de Bonneveine aussi. Les tests ont lieu le 4 et 5 juillet. Je ne sais pas combien de temps après on a les résultats, mais je sais qu'il y a peu d'élus, de 12 à 15 personnes grand maximum, et comme je n'ai aucune idée du nombre de candidats au départ, j'espère être assez convaincante pour être admise...Dans quel restaurant gastronomique as-tu fait ton stage ? Moi aussi, je me pose des questions pour l'après-CAP, et je suis plus tentée par les restaurants que par les pâtisseries (boutiques).Pour moi aussi, c'est une totale reconversion (en venant de la communication), mais j'ai quelques années de plus que toi, 3 enfants, etc...et en fait, c'est ce que je rêve de faire depuis toujours. Peut être à bientôt, à la rentrée ?Cigale
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S
Hey! Normalement je m'étais fixé comme règle de garder anonyme toute référence à des personnes ou à des lieux .... Mais comme tu as cité le lycée de Bonneveine me voilà à moitié démasquée!!!Bah, ce n'est pas si grave, du coup je te réponds en faisant une entorse à mon propre réglement : le restaurant gastronomique où je fais mon stage est "Une table, au sud", chez le chef Lionel Levy.Je garde ton contact en mémoire, effectivement on aura peut-être l'occasion de se rencontrer à la rentrée, en tout cas je nous le souhaite!à bientôt!Sen